Jean Daniel Rousseau

 

Art et sens

Pour réfléchir à des questions d'esthétique.

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Pourquoi cet espace de réflexion ?

17-11-2009

Un extrait de texte de Luc Ferry pour éclairer les futurs débats :

« La prédiction de Nietzsche est devenue la règle générale dans les sociétés démocratiques : la vérité de l'oeuvre d'art se trouve désormais dans l'artiste. L'oeuvre n'est plus le reflet du monde, mais l'expression la plus achevée de la personnalité de son auteur. Et, même lorsqu'on vise à exprimer une réalité qui n'est pas directement celle du moi, l'exigence d'originalité demeure essentielle, là où les anciens se contentaient de l'imitation(...). Le beau ne doit pas être découvert, comme s'il existait déjà dans le monde objectif, mais bien inventer, chaque moment de la novation trouvant dès lors sa place au sein de l'histoire de l'art dont le musée fournit l'incarnation institutionnelle. La crise qui affecte aujourd'hui les avant-gardes ne se comprend pas hors de cette histoire de la subjectivité (...). À cette mutation du côté de l'auteur répond, du côté du spectateur, l'émergence de la notion de goût (...) Pour le pire, comme pour le meilleur, notre univers laïc tend donc à récuser toute référence à ce qui est extérieur aux hommes. Son idéal suprême tient en un mot : l'autonomie. N'est-il pas normal dans ces conditions, que l'art lui-même se soit rendu à l'impératif d'être à  " échelle humaine" de part en part créé pour et par des hommes?
Luc Ferry, « la sagesse des modernes" page 388 et suivantes (Robert Laffont 1998).

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Manifeste de projet pictural.

21-02-2019

 

Manifeste de projet pictural.

Jusqu'à l'époque contemporaine, pour les avant-gardes les plus affirmées comme les écoles les plus classiques, il a été convenu que la règle est simple : un artiste se reconnaît à son style, dès lors que celui-ci s'est installé et s'est affirmé. La règle admet certes quelques exceptions mais rarement. Il suffit d'aller au musée Picasso de Barcelone pour s'apercevoir que, dans ses premiers pas et travaux, Picasso n'est pas encore Picasso. Chez beaucoup de peintres, je pense en particulier à Nicolas De Staël, cette règle confine à l'absolu et permet, « au premier coup d'œil », de reconnaître ses travaux. C'est également ce qui permet au visiteur du musée d'avoir des repères - et quelque sécurité et assurance dans son jugement - de savoir ce qu'il en est, quitte à s’approcher du cartel de présentation de l'œuvre, pour vérifier son intuition de l'œuvre, et au-delà sa culture sédimentée. Le marché ne s'y trompe pas : un artiste, ça se reconnaît immédiatement, par sa touche, ses objets, ses couleurs, sa « patte ». Ce sont d'ailleurs ces critères qui contribuent à l'authentification d'une œuvre, dès lors il y a le moindre doute. C'est malheureusement aussi souvent ce qui enferme certains dans l'obéissance servile à une stérile répétition. Pas question parfois de déroger à la règle, quitte a préféré la mort.

Effectivement, il est indéniable qu'il y ait des constantes, des lignes directrices, et même, derrière la variété d'une œuvre, un projet unique, un questionnement métaphysique, une idée parfois de génie. Quand une « personnalité », indéniablement, est présente, sensible et structurante. On « sait », à l’instant que c’est un Rembrandt…

Dès mes premiers travaux, il y a bien longtemps, je me suis vite adressé à moi-même la critique d'éclectisme, à savoir cette tentation si forte de multiplier les approches, les objets, les thèmes de prédilection, et donc le regard du peintre lui-même, « ondoyants et divers » aurait dit Montaigne. Ne dit-il pas : «« C’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme. Il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme » (Essais, I, 1) ? Et la variété, la diversité, voire la répétition d'ouvrir vite sur la critique inconstance. J'étais, dans ces premiers travaux, dans ce qui s'imposait à moi comme ce que je devais faire, dans une interrogation sceptique : y avait-il sens, y avait-il unité, y avait-il cohérence dans ce qui se donnait comme ce que je devais peindre. Ce n'était pas une question d'inspiration, c'était ce que je me devais de faire. Et les critiques n'ont pas manquées venu de moi en premier, de mes proches ou de mes meilleurs amis. Il m'était reproché un déficit de style.

Avec le recul, à y regarder de plus près tout en prenant plus de distance, après des milliers de toiles abouties et de travaux de recherche sur papier, je prends conscience qu'en réalité, s'il y a bien un style (priorité au formel sur le pictural/multiplication des aplats/cohabitation de thèmes parfois contradictoires/ logique de la répétition, à la limite du névrotique/ monochromes/ obsession des séries, tant qu'on n'en a pas épuisé les potentialités/rencontre ad libitum des croisements possibles de thème / abus et facilité des symboliques parfois tellement criantes qu’elles frisent la caricature…) , donc il y a bien style, je pense pouvoir affirmer que ce n'est pas le style qui détermine chaque objet ou chaque chose peinte qui finit par déterminer la manière, la spécificité, l'écriture et la langue qui lui sont propres et dans lesquels il atteint son expression la plus appropriée. Ainsi, comme en métaphysique on dit que c’est « l'adéquation de la chose et de intellect » qui constitue la vérité, en matière de représentation du monde par le peindre, c'est cette même adéquation entre l'objet à représenter, dans l'esprit du peintre, et la manière de le représenter, de le mettre en scène, de l'afficher, qui fait la vérité d'un tableau. Et le style, en tant qu’écart dans la manière d'exprimer, mais pas une déviance à la norme, qu’une nécessité absolue d'adéquation de la chose de l'esprit. Ce n'est donc pas le style, en tant qu'il ferait entrer un objet dans une manière de représenter, mais bien cette aptitude à faire être un objet par sa représentation, en intimité, en complicité et en continuité. « Le pot de fleurs avec ciboulette » de Vincent Van Gogh(1887) en est une exemplaire illustration.

D'où probablement une conclusion : c'est chaque objet, par la médiation du regard du peintre, qui invente la manière dont il peut et doit être peint. Et peut-être, mais c'est une autre question, et est-ce là ce qui explique la création.

Le difficile en la matière est donc de ne pas céder à la tentation de refaire des centaines de fois la même chose. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ? ».

Manifeste de projet pictural.

Jusqu'à l'époque contemporaine, pour les avant-gardes les plus affirmées comme les écoles les plus classiques, il a été convenu que la règle est simple : un artiste est reconnu à son style, dès lors que celui-ci s'est installé et s'est affirmé. La règle admet certes quelques exceptions mais rarement. Il suffit d'aller au musée Picasso de Barcelone pour s'apercevoir que, dans ses premiers pas et travaux, Picasso n'est pas encore Picasso. Chez beaucoup de peintres, je pense en particulier à Nicolas De Staël de la maturité, cette règle confine à l'absolu et permet, « au premier coup d'œil », de reconnaître ses travaux. C'est également ce qui permet au visiteur du musée d'avoir des repères - et quelque sécurité et assurance dans son jugement - de savoir ce qu'il en est, quitte à s’approcher du cartel de présentation de l'œuvre, pour vérifier son intuition de l'œuvre, et au-delà sa culture sédimentée. Le marché ne s'y trompe pas : un artiste, ça se reconnaît immédiatement, par sa touche, ses objets, ses couleurs, sa « patte ». Ce sont d'ailleurs ces critères qui contribuent à l'authentification d'une œuvre, s' il y a le moindre doute. C'est malheureusement aussi souvent ce qui enferme certains dans l'obéissance servile à une stérile répétition. Pas question parfois de déroger à la règle, quitte a préféré la mort.

Effectivement, il est indéniable qu'il y ait des constantes, des lignes directrices, et même, derrière la variété d'une œuvre, un projet unique, un questionnement métaphysique, une idée parfois de génie. Quand une « personnalité », indéniablement, est présente, sensible et structurante. On « sait », à l’instant que c’est un Rembrandt…

Dès mes premiers travaux, il y a bien longtemps, je me suis vite adressé à moi-même la critique d'éclectisme, à savoir cette tentation si forte de multiplier les approches, les objets, les thèmes de prédilection, et donc le regard du peintre lui-même, « ondoyants et divers » aurait dit Montaigne. Ne dit-il pas : «« C’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme. Il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme » (Essais, I, 1) ? Et la variété, la diversité, voire la répétition d'ouvrir vite sur la critique inconstance. J'étais, dans ces premiers travaux, dans ce qui s'imposait à moi comme ce que je devais faire, dans une interrogation sceptique : y avait-il sens, y avait-il unité, y avait-il cohérence dans ce qui se donnait comme ce que je devais peindre. Ce n'était pas une question d'inspiration, c'était ce que je me devais de faire. Et les critiques n'ont pas manquées venu de moi en premier, de mes proches ou de mes meilleurs amis. Il m'était reproché un déficit de style.

Avec le recul, à y regarder de plus près tout en prenant plus de distance, après des milliers de toiles abouties et de travaux de recherche sur papier, je prends conscience qu'en réalité, s'il y a bien un style (priorité au formel sur le pictural/multiplication des aplats/cohabitation de thèmes parfois contradictoires/ logique de la répétition, à la limite du névrotique/ monochromes/ obsession des séries, tant qu'on n'en a pas épuisé les potentialités/rencontre "ad libitum" des croisements possibles de thème / abus et facilité des symboliques parfois tellement criantes qu’elles frisent la caricature…) , donc il y a" style", je pense pouvoir affirmer que ce n'est pas le style qui détermine chaque objet ou chaque chose peinte qui finit par déterminer la manière, la spécificité, l'écriture et la langue qui lui sont propres et dans lesquels il atteint son expression la plus appropriée. Ainsi, comme en métaphysique on dit que c’est « l'adéquation de la chose et de intellect » qui constitue la vérité, en matière de représentation du monde par le peindre, c'est cette même adéquation entre l'objet à représenter, dans l'esprit du peintre, et la manière de le représenter, de le mettre en scène, de l'afficher, qui fait la vérité d'un tableau. Et le style, en tant qu’écart dans la manière d'exprimer, mais pas une déviance à la norme, qu’une nécessité absolue d'adéquation de la chose de l'esprit. Ce n'est donc pas le style, en tant qu'il ferait entrer un objet dans une manière de représenter, mais bien cette aptitude à faire être un objet par sa représentation, en intimité, en complicité et en continuité. « Le pot de fleurs avec ciboulette » de Vincent Van Gogh(1887) en est une exemplaire illustration.

D'où probablement une conclusion : c'est chaque objet, par la médiation du regard du peintre, qui invente la manière dont il peut et doit être peint. Et peut-être, mais c'est une autre question, et est-ce là ce qui explique la création.

Le difficile en la matière est donc de ne pas céder à la tentation de refaire des centaines de fois la même chose. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et qui la force d'aimer ? ».

 


Manifesto of pictorial project.
Until today, for the most established avant-gardes like the most classical schools, it has been agreed that the rule is simple: an artist is recognized by his style, as soon as he has installed and asserted himself. The rule admits some exceptions but rarely. Just go to the Picasso Museum in Barcelona to realize that in his first steps and works, Picasso is not yet Picasso. In many painters, I think especially of Nicolas De Staël of maturity, this rule borders on the absolute and allows, "at first glance", to recognize his work. It is also what allows the visitor of the museum to have benchmarks - and some security and assurance in his judgment - to know what it is, even to approach the cartel of presentation of the work, for to verify his intuition of the work, and beyond that his sedimented culture. The market is not mistaken: an artist is immediately recognizable by his touch, his objects, his colors, his "paw". These are also criteria that contribute to the authentication of a work, if there is any doubt. It is sadly so often what locks some into servile obedience to a barren repetition. Sometimes there is no question of derogating from the rule, even if it prefers death.
Indeed, it is undeniable that there are constants, guidelines, and even behind the variety of a work, a single project, a metaphysical questioning, an idea sometimes of genius. When a "personality", undeniably, is present, sensitive and structuring. We "know", at the moment that it's a Rembrandt ...
From my first work, a long time ago, I quickly turned to myself the criticism of eclecticism, namely this temptation so strong to multiply the approaches, the objects, the themes of predilection, and therefore the look of the a painter himself, "undulating and diverse," said Montaigne. Does he not say: "It is a wonderfully vain subject, diverse and undulating that man. It is difficult to base on it a constant and uniform judgment "(Essais, I, 1)? And the variety, the diversity, even the repetition of opening quickly on the criticism inconstancy. I was, in these early works, in what was necessary to me as what I had to do, in a skeptical interrogation: was there sense, was there unity, was there coherence in what is gave as what I had to paint. It was not a question of inspiration, it was what I had to do. And the critics did not miss coming from me first, my loved ones or my best friends. I was accused of a lack of style.
Looking back, looking at it more closely while taking more distance, after thousands of completed canvases and research paper, I realize that in reality, if there is a style (priority in formal on the pictural / multiplication of flat areas / cohabitation of sometimes contradictory themes / logic of repetition, on the edge of the neurotic / monochrome / obsession of series, as long as we have not exhausted the potential / meeting "ad libitum" possible crossings of theme / abuse and ease of symbolism sometimes so obvious that they frieze caricature ...), so there is "style", I think I can say that it is not the style that determines each object or thing painted, which finally determines the manner, the specificity, the writing and the language which are peculiar to it and in which it reaches its most appropriate expression. Thus, as in metaphysics, it is said that it is "the adequation of the thing and the intellect" which constitutes the truth, in terms of the representation of the world by painting it, it is this same adequacy between the object to be represented, in the painter's mind, and how to represent it, to stage it, to display it, which is the truth of a painting. And the style, as a gap in the way of expressing, but not a deviation from the norm, an absolute necessity of adequacy of the thing of the mind. So it is not the style, in so far as it would bring an object into a way of representing, but rather this aptitude to make an object by its representation, in intimacy, in complicity and continuity. Vincent Van Gogh's (1887) "The Flowerpot with Chives" is an example.
From where probably a conclusion: it is each object, by the mediation of the look of the painter, which invents the way in which it can and must be painted. And maybe, but that's another question, and that's what's behind the creation.
The challenge in this area is not to give in to the temptation to repeat hundreds of times the same thing. "Inanimate objects, do you have a soul that attaches itself to our soul and forces it to love?
".

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